I. Introduction : Les Défis de l’Apprentissage pour les Apprenants DYS
Les troubles du neurodéveloppement, communément appelés trouble DYS regroupent les troubles du langage (dyslexie, dysorthographie), les troubles du raisonnement mathématique (dyscalculie), les troubles de la coordination (dyspraxie) ainsi que les troubles attentionnels (trouble du déficit de l’attention). L’apprentissage de la conduite représente un défi de taille pour les apprenants présentant ces troubles. D’origine neurologique, ces troubles affectent des fonctions cognitives essentielles à la conduite telles que la lecture, la cognition mathématique, la coordination motrice, la perception visuospatiale, la mémoire de travail ou encore l’attention ciblée et partagée.
II. Les Défis de l’Apprentissage Théorique
Pour ces apprenants, l’apprentissage théorique préalable à l’apprentissage pratique de la conduite peut déjà s’avérer complexe. La mémorisation du code de la route, avec ses nombreux panneaux, signaux et règles, exige des capacités de mémorisation et de compréhension écrite souvent déficitaires chez ces élèves. Bien souvent, le peu d’adaptation dans les supports d’apprentissages, la difficulté de projection dans les situations de conduite, l’absence de cas concret ainsi que l’absence d’accompagnement pédagogique rendent l’acquisition des connaissances théoriques difficile et longue. Faute de moyen et d’adaptation, cela peut conduite à une baisse de motivation à persévérer jusqu’à l’obtention de l’examen théorique.
III. Les Défis de l’Apprentissage Pratique
L’apprentissage pratique de la conduite pose également son lot de problèmes. Plusieurs niveaux d’apprentissage sont impactés.
Le premier niveau est celui des apprentissages sensorimoteurs : l’élève doit apprendre à planifier, coordonner et automatiser ses gestes pour maîtriser mécaniquement son véhicule. Toutes les opérations réalisées de manière automatique par un conducteur doivent être réalisées de manière consciente par l’apprenant. Cet apprentissage nécessite de la part des apprenants une coordination visuomotrice déficitaire chez certains élèves DYS.
Au-delà de cet apprentissage sensorimoteur, le second niveau d’apprentissage de la conduite est celui des automatisations des schémas de conduite : les apprenants doivent apprendre à appliquer les règles du Code de la route et à adapter leur conduite à toutes les situations régulières de conduite. Cela demande également des capacités de concentration soutenue ainsi qu’une flexibilité pour partager l’attention entre différentes informations visuelles, auditives et proprioceptives (perception de la position des différentes parties de notre corps dans l’espace).
Enfin, le troisième niveau d’apprentissage est celui de l’adaptation aux situations complexes de conduite, en apprenant à partager l’espace avec les autres usagers. La flexibilité cognitive, la mémoire de travail, ainsi que la perception de l’espace, des allures et des distances est bien souvent altérée, rendant l’analyse des situations et la prise de décision en environnement dynamique encore plus complexe.
IV. Exemple : Intersection et Charge Cognitive
Prenons un exemple : l’apprenant arrive sur une intersection où il est n’est pas prioritaire, comme dans le cas d’une priorité à droite. Il doit se concentrer sur son allure d’approche tout en faisant attention au dosage de son frein, à quand et comment il doit rétrograder ses vitesses (premier niveau d’apprentissage). L’apprenant doit également adapter le dosage de son allure en fonction de la distance qu’il reste à parcourir avant l’intersection (deuxième niveau d’apprentissage). Enfin, l’apprenant doit aussi porter son attention sur d’éventuels véhicules derrière lui pour adapter son allure. Il doit également évaluer la visibilité à hauteur de l’intersection pour affiner son allure d’approche. Pour cela, il doit réaliser des hypothèses en imaginant qu’un véhicule peut surgir de la droite (troisième niveau d’apprentissage).
Toutes ces opérations mentales doivent être réalisées en quelques secondes. Là où la plupart des conducteurs arrivent à automatiser une partie de ces opérations (premier et deuxième niveau d’apprentissage) pour se concentrer sur l’émission d’hypothèses, l’apprenant avec des troubles DYS doit conscientiser l’ensemble de ces opérations. La charge mentale et le risque de surcharge cognitive sont beaucoup plus importants.
V. Adaptations Pédagogiques et Conclusion
Pour aider ces apprenants, l’enseignant de conduite doit être capable de proposer des adaptations et des compensations efficaces. L’enseignant de conduite doit être sensibilisé aux troubles de l’élève. Sans formation des enseignants de la conduite, l’élève peut se retrouver très vite en surcharge cognitive, rendant les leçons de conduites moins efficientes et les formations plus longues et plus coûteuses.
Vincent PROTON – BAFM et diplômé en Neurosciences